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Les agents de la brigade fluviale / Un émouvant sauvetage en Seine.
Il était environ dix heures du matin. Diverses personnes passant sur le quai de la Mégisserie avaient remarqué une jeune fille, paraissant âgée d’une vingtaine d’années, à la mise assez élégante, qui allait et venait en proie à une vive agitation. Soudain, cette jeune fille descendit rapidement sur la berge et se précipita dans la Seine.
Aussitôt, les témoins de cet acte de désespoir, courant vers le fleuve, firent entendre des appels de secours.
Deux agents de la brigade fluviale, nommées Eugène Guérita et Victor Begon, arrivaient à ce moment.
Cuérita, mis au courant de ce qui s’était passé, dégringola aussitôt quatre à quatre l’escalier qui le conduit à la berge, et sans prendre la peine de se dévêtir, piqua une tête dans l’eau et se dirigea, en quelques brassées, vers l’endroit où avait disparu la jeune fille.
Se soutenant sur l’eau, le brave agent, le cou tendu, cherchait du regard.
Enfin, l’infortunée remonta à la surface de l’eau, à quelques mètres en amont du Pont Neuf.
Guérita plongea alors. Quelques secondes après, il saisissait la jeune fille. Celle-ci n’avait pas encore complètement perdu connaissance, et, affolée, dirigée par l’instinct de la conservation, elle agrippa son courageux sauveteur par les bras, paralysant ses mouvements.
Guérita se débattit violemment, cherchant à se débarrasser de ces étreintes.
Puis l’homme et la femme coulèrent au fond de l’eau, au grand effroi des curieux qui, très nombreux, assistaient à cette émouvante scène.
Un moment se passa dans un émoi indescriptible : on n’apercevait plus rien.
La Seine avait-elle fait deux victimes ?
Subitement, devant les bains de la Samaritaine, une tête émergea. C’était celle du brave agent. Il avait réussi à se dégager des étreintes de la désespérée et il apparaissait nageant d’une main et étreignant de l’autre son précieux fardeau.
Mais, le malheureux haletait, ses forces étaient épuisées et, de plus, la rigueur de l’eau l’avait saisi. Néanmoins, appelant à lui toute son énergie, il se dirigea du côté de la Samaritaine. Mais là, arrivé à une faible distance de la rive, il fut pris d’une faiblesse.
C’en était fait de lui et de la désespérée si son collègue, Victor Begon, n’était accouru au plus vite. Saisissant son bâton de sauvetage, attaché à une ficelle, il le lança à Guérita. Le courageux sauveteur s’y cramponna et, une seconde après lui et la femme qu’il n’avait pas lâchée étaient sauvés.
La foule fit alors aux deux agents une enthousiaste ovation.
La jeune fille avait perdu connaissance. On la conduisit immédiatement au poste de secours du port Saint-Nicolas, où on lui prodigua tous les soins. Ce n’est qu’au bout d’une demi-heure qu’elle put être rappelée à la vie.
Elle déclara alors se nommer Philiberte F…, âgée de vingt ans, et avoir attenté à ses jours pour des chagrins intimes.
Quant au brave Guérita, après avoir fait sécher ses vêtements, il avait repris son service.
Comme on voulait le féliciter de son acte de courage :
– C’est inutile, dit-il, je n’ai fait que mon devoir !
Ce sauvetage est d’autant plus méritoire que les eaux de la Seine, grossies par la fonte des neiges, sont en ce moment très froides et que le courant du fleuve est des plus violents.
Exposition temporaire DU 21 OCTOBRE 2023 AU 28 JANVIER 2024 (Passée)